lundi 21 mai 2012

Ascension 2012

Introduction

L'ascension est un mystère célébré chaque année 40 jours après Pâques. Elle marque la montée au ciel de Jésus et la fin de sa présence terrestre.






 Le mystère reste entier après la disparition de Cok'Hillette...



J'appartiens à un forum où la bonne humeur prévaut ; voici les réactions de trois membres du forum Type H Nostalgie. Au jeu du "avant/après", Fred remarque la disparition du compresseur avant de constater le plus infime détail : la flèche rouge qui passe en-dessous de la verte ! MDR.
Cyp, lui,  développe un humour un peu plus caustique en titillant l'amour de la marque ;
Avant

Après
Enfin, réveur et aprés avoir vu les deux photos, Béber téléphone à Dom et lui annonce être content de voir enfin Cok´Hillette à Varennes (Allier) le weekend prochain ; il a cru que Cok´Hillette avait réellement quitté Chesley par plateau pour Varennes. Sacré Béber !


En ce weekend de l'Ascension, il s'agit bien de celle de Cok'Hillette, immobilisée 38 ans et sortie par ses propres moyens après quatre jours de travaux acharnés. Les mécaniciens que nous sommes ont approchés l´ancienne avec respect et dextérité. Nous avions conscience à chaque instant de l´indispensable compétence qu´il nous fallait revêtir et de la chance la plus gourmande d´avoir ce privilège unique. Et nous avons été gâtés. C'est qu'elle a un sacré caractère, cette vieille dame. Les mots gentils n'ont pas toujours suffi et Dom d´avoir recours à une menace pondérée qui faisait allusion aux bennes Derichebourg. In extrimis, Tati Danièle se montre subitement docile :



Genèse d'une resto annoncée...

De longue date, le long weekend de l'ascension 2012 était réservé à la remise en route de Cok'Hillette. Nos emplois du temps respectifs ne souffrant aucune improvisation, c'était la seule et unique façon de nous réunir pour ce projet. 
A gauche, Domdom, le doc ès H qui a une fois encore confirmé sa grande expérience (une révision des freins d'une efficacité redoutable entre autres...), au centre, Eric, homme de convictions, volontaire et amoureux d'anciennes et à droite, moi-même, néophyte engagé et jusqu´auboutiste. Ne vous y trompez pas, ceci est un petit déjeuner ! Un petit déjeuner de travail ! Pâté du père Pierre, cornichons et Bourgogne Pinot Noir, debout derrière le billot de boucher avant d'intégrer la salle des machines pour une immersion longue et périlleuse. Un weekend qui réservera des surprises de taille, des rencontres incroyables, des fourires de dingues, toujours de la bonne humeur mais aussi des moments de fatigue, d´accidents, de désespoirs et de persévérance. Cok'Hillette retournera-t-elle ? Voici le récit de quatre jours incroyables...

Mecredi 16 mai

Rendez-vous est pris mercredi soir à Chesley. Les trois familles se rejoignent et on discute tard près du feu. On ne reste pas sur un chiffre pair de godets de calva... Quand il faut décharger la voiture de Dom, on réalise que Cécile a été contrainte à un petit sac de voyage, faute de place... Le reste du break était réservé aux outils et à l´arrache-tambour d´enfer.




Jeudi 17 mai

Cok'Hillette trône à 70 cm du sol depuis plusieurs semaines. Le début de l'ascension ? Dom dirige avec simplicité les travaux. Priorité est donnée à la réfection des freins, poste incontournable pour les Type H en sortie de grange... ou de garage saint-loupien.

Chaque élément a subi depuis trois semaines un traitement WD40, dégrippant classiquement utilisé. Ainsi, rares ont été les pièces à résister au démontage puis au remontage. A cette hauteur, les travaux sont moins pénibles et se glisser sous le véhicule est chose aisée. La périphérie a été entièrement débarrassée pour faciliter l'accès et un établi provisoire a pris place à proximité immédiate... sans étau, oui, je sais ! On me l'aura assez reproché ! La journée débute par le pain comme chaque matin. Le personnel de la boulangerie commence à bien nous connaître. Tiens, l'affiche de chesley2012 ! Rituel oblige : le retour se fait mains grasses, à dévorer une demi-baguette aux lardons.

Phase 1 - Les freins

Poste incontournable dans la restauration d'un Type H, le plus difficile et le plus cher aussi. Sauf que Cok'Hillette continue de nous réserver de belles surprises comme ces freins arrière montés d'origine, marqués de points jaunes peints en usine :



Vous ne verrez pas cela souvent alors profitez-en ! Pendant ce temps, Dom et Eric poursuivent la dépose des tambours... à l'arrache-tambour ! Un outil de fabrication artisanale d'une redoutable efficacité :


Scène de liesse après la dépose du premier plateau

 Ambiance potache mais ne vous y trompez pas, d´une efficacité saisissante !




Sur la totalité des cylindres de frein, un seul sera grippé. Méthode douce ; WD40, chauffe, WD40, chauffe, WD40, chauffe...


Petit joyau d´époque : le bocal de liquide de frein en métal avec cette notice parfaitement lisible.


Puis réfection du maître-cylindre avec un nécessaire neuf.


Bilan de la journée

Le jour de l'ascension n'aura pas vu l'élévation de Cok'Hillette que déjà, il est tard. On s'assied autour de la grande table et on retrouve nos familles avant de nous plonger dans les bras de Morphée.
Cette première journée a permis le démontage et le nettoyage des freins et du circuit de frein à l´alccol à brûler (j´aime bien la seringue à dégommer au compresseur...), toutes les vidanges aussi. Mais il nous manque les cache-poussières de cylindres de frein Avant et il faudra demain matin en trouver pour clore le chapitre freinage. Pas gagné compte-tenu de la rareté des pièces. Je passe un petit coup de fil à Narcisse, imminent collectionneur de Type H de la région mais il n'en possède pas. La quête du Graal nous attend...

Vendredi 18 mai

Levé aux aurores, j'emmène Eric battre la campagne et rencontrons Xavier chez lui à 6:30. Il m'indique l'adresse d'un vieux citroënniste à Chablis. Nous récupérons Dom et filons à travers les vignobles. Je toque sur la porte métallique entrouverte et une voix proche répond d'entrer mais je ne vois personne. Il a suffit de faire un pas, un seul dans l'antre immense pour changer d'époque. Je découvre assis à son bureau des années 60, autouré d'étagères supportant vieux catalogues et revues diverses d'avant 1970, un vieux Monsieur en blouse bleue, béret vissé sur la tête. Que des trésors autour de lui ; un véritable magasin de pièces détachées d´époque sur plus de 300m2.


Les croisades auraient trouvé le Graal ici. Nous avons bien trouvé tout ce que nous cherchions ! Les cache-poussières de cylindres de frein Avant et même celui du maître-cylindre ! Une course qui aurait pu prendre 10 à 15 minutes sauf que Robert ne lâche pas facilement ses clients ; nous avons du écouter l'histoire familiale dans son intégralité avant de pouvoir rejoindre notre chantier.

Le freinage est entièrement révisé ; démontage fait hier, nettoyage qui se poursuit aujourd'hui et changements des flexibles par des flambants neufs achetés chez Depanoto. Les deux arrières trouvent élégamment leur place auprès de la gaine de frein à main qui possède son propre graisseur (disparaît avant 1956 acr absent de Grisby) mais nouvelle déception pour l'avant ; les flexibles, pourtant la bonne référence, sont trop courts d'au moins 7 cm. Déception collégiale pour cette journée qui se voulait être la dernière consacrée aux freins de Cok'Hillette.

Mais la bonne humeur n'en souffre pas...





Pas Tibulaire mais presque...

Tiens, Maya l'Abeille, avec mes beaux flexibles trop courts !

Bilan de cette seconde journée

Matinée passée sur les routes tonnerroises et chablisiennes et donc ailleurs que dans l'atelier. En l'absence des bons flexibles, les freins ne sont pas terminés. Reste une belle rencontre "vintage" qui nous a tous enrichis.

Samedi 19 mai

J'avais de longue date programmer une visite chez Françoise et Narcisse qui devait rester une surprise pour mes deux amoureux de H. Après avoir récupéré chez le garagiste mon pneu Michelin Pilote enfin monté sur une jante d'origine avec la chambre à air adéquate, cap sur Poinchy.

Tiens, Narcisse travaille sur son moteur de traction, déposé et entièrement démonté, pistons apparents. Quelques heures plus tard, il sera remonté et fonctionnel. Des fous, je vous dis !

 Narcisse dans son atelier hautement spécialisé type H


 Coup de foudre pour un chouette bouchon d'huile moteur 
photographié sur un authentique TUB. 



Fourire de Narcisse voyant Eric "prendre la porte"

Un verre de chablis plus tard, nous fonçons chez Eric, un ami collectionneur de vieux tracteurs. Nous avons beaucoup de retard et Eric doit braser à l'étain le pas de vis du bouchon de vidange de mon réservoir de 51, souvenez-vous....


Petit souci ; au moment de remplissage d'eau pour le dégazage, fuites multiples du réservoir. Constat sans appel ; la fine tôle n'a pas résisté à l'assaut chimique de 40 années de vapeurs d'essence et d´humidité. Immanquablement la pièce qui aura le plus souffert de cet arrêt prolongé. Un véhicule immobilisé doit avoir son plein fait pour éviter pareille mésaventure. Déçu de perdre cette pièce d'origine, en retrouver une sera difficile (modèle à grosse tubulure de remplissage)...

Demeure le plaisir d´être en compagnie d´Eric au milieu de ses tracteurs. Devant les rangées de Société Française de Vierzon alignées comme dans un musée, Dom est soudainement silencieux. Je lui confie mon appareil photo et dans ce silence émouvant, j'entend les déclenchements de prises de vue. Pas deux tracteurs identiques. Que des pièces rares et parfois uniques. Comme ce prototype de 1934 à roues en fer.





Bilan à la "mi-journée"

Nous quittons Eric ; il est 16 heures. Que d'excellents moments passés chez des passionnés mais notre journée de travail s'engage très mal. Certes, Narcisse m'a trouvé deux flexibles de freins susceptibles de me dépanner mais il est tard. On pourrait croire la journée définitivement terminée ? Pas du tout. Nous allons faire un travail incroyable entre 17 heures et minuit. Minuit que nous ne verrons d'ailleurs pas arriver.

17:00 ; nous venons de perdre quasiment la journée. Dom veut terminer les freins et commencer le moteur. Je m'occupe du montage des flexibles et du maître-cylindre rénové. Ah, il est 18 heures ; Eric se repose. Jusqu'à 20 heures normalement. I n'en peut pu le pépère...


Remontage des freins AV et AR ;

 La fatigue commence à se lire sur les visages, n'est-ce pas Dom ? A moins que ce ne soit l'inquiétude...



Le circuit de frein a entièrement été vidangé et nettoyé à l'alcool à brûler alterné par un nettoyage à air comprimé. 
J'adore la couleur du nouveau liquide de frein siliconé !


La roue de secours de 4L rend service en délivrant 1,2 kg de pression 
au remplissage du circuit grâce au système eezibleed.


On n'est peut-être pas des lumières mais on sait faire briller :




Un quatrième homme fait son apparition ; c'est Beber. Vous ne le voyez pas ? Au premier rang !? C'est ainsi qu'on appelait l'arrache-tambour qui servait de porte-manteau à la côte et au bob Michelin de Dom. Pas un matin où on ait oublié de lui dire bonjour et pas un soir sans le saluer avant d'aller nous coucher. "Béber, si tu nous écoute!"


22:00 ; ici, nous sommes trois à l'ignorer. On observe bien le ballet incessant des filles qui viennent aux nouvelles, des enfants venus faire des bisous avant d'aller au lit mais il faut préparer le moteur.

Phase 2 - le moteur


Le catalogue de pièces détachées de 1952 n'est jamais loin.


J'aime beaucoup cette photo où l'on voit, cache-culbuteurs ôté, la main de Dom enlever les restes du joint à l'aide de son Opinel. Le même qui lui servira deux heures plus tard à couper son fromage.



Je n'ai pas résister au fait de photographier le filtre à air démonté 
pour nettoyage à sec dans lequel se trouve encore le prix ! 
22 francs et quelques centimes ! 
Cette Cok'Hillette nous en a réservé, des surprises !

Sublime bobine démontée pour faire place à une neuve, made in argentina, noire et sans charme (non Eric, je ne parlerai pas de l'inversion des fils). Elle est sûrement encore fonctionnelle mais nous voulions assurer côté allumage. Et puis je ne m'en sépare pas.



Les travaux se poursuivent. J'ai l'impression que nous faisons notre journée de travail normalement malgré l'heure tardive. On sent le premier coup de démarreur approcher et nous sommes motivés.

Les premiers essais sont infructueux ; nous procédons avec ordre pour éliminer un par un les facteurs responsables. Une nourrice alimente la pompe à essence. La pompe est nettoyée.

Pompe à essence de marque SEV à cloche en verre. La cloche en verre est normalement réservée aux tractions car trop luxueuse pour un utilitaire. Mais Lucien en avait-il décidé autrement pour sa Coquillette ? En tout cas, il aurait été fier d'Eric pour ce nettoyage luxueux...

L´accident

Au tour du carburateur ; tous les câbles sont déconnectés, le carbu démonté, nettoyé. Le pointeau dégrippé, on procède au remontage. Eric intervient à travers le ventilo pour recâbler le carbu, Dom remonte la pompe SEV, je couple deux batteries en série pour augmenter l'ampérage. Dom me demande de faire tourner le démarreur seul pour retrouver la came de la pompe, Eric me demande de récupérer un câble qu'il me tend à travers le ventilo. Fatigué, je lance le démarreur. Dom trouve la came et le ventilo, le bras d'Eric. Et paf ! C'est l'accident. Un accident bête. J'avais les deux infos mais je n'ai pas réagi normalement.



Heureusement, la batterie avait déjà été longuement sollicitée ce qui limitera la gravité de l'accident. Encore désolé, Poupoune !

Les essais se poursuivent et lors d'une ultime tentative, le moteur semble se serrer. Dom relève dans les chambres de combustion de la limaille de fer. Il est tard. J'éteins la lampe qui éclairait notre chantier. C'est terminé. Cok'Hillette ne roulera pas pour Chesley. Il va falloir déculasser. Et il nous reste à peine une journée. Nous quittons la grange avec un sentiment de défaite.

Dimanche 20 mai - L´épilogue

Huit heures : j´ai fait grasse mat. Sur la table de cuisine, Eric et Dom, chacun avec leur ordi en wifi, sont connectés au forum Type H Nostalgie. Ils m´attendaient. On pénètre dans la grange avec chacun des idées précises de choses à essayer. La nuit portant conseil, nous avons tous cogité et en deux temps, trois mouvements, nous nous lançons sans aucune concertation mais tous vers un même et seul but. Nous n´avons pas dit notre dernier mot. A froid, les tours de manivelle semble écarter l´hypothèse du serrage de moteur comme craint la veille. On retire la nouvelle courroie ; les tours de manivelle semblent conforme à ceux d´autrefois. On s´organise ; l´ancienne courroie retrouve sa place. Je téléphone à Narcisse qui me conseille de retirer les bougies, de dégripper les chambres et de faire tourner à vide en prenant soin de ne pas rester devant. On renouvelle l´opération plusieurs fois. Les roues sont remises en place. Cok´Hillette va descendre de son perchoir ; une ascension à l´envers. Elle s´emballe. On la retient. La dernière chandelle trop penchée est retirée à la masse à la manière des paquebots mis à l´eau. Cok´Hillette est impatiente. Elle glisse sur les palettes mises pour adoucir sa descente. On est aussi impatients qu´elle. Le siège conducteur est remis. Le moteur tourne. Sans échappement. Un buggy. Les enfants rappliquent. Cok´Hillette tourne et sort par ses propres moyens. 5 mètres plus loin, on rince son circuit de refroidissement. Le radiateur est remis en place. On s´active autour d´elle comme une team de formule 1. 















Dehors, l´orage gronde. Il pleut averse. Qu´importe, Cok´Hillette a rendez-vous avec sa seconde jeunesse. Dom monte à mes côtés. Eric nous suit en moderne. Sans portes, sans plancher, nous sommes trempés. Cok´Hillette pétarade dans les rues de Chesley. Comme un appel à la population. On teste les freins : chaussés de pneus Michelin Pilote, a priori des savonnettes, sur une route recouverte d´eau au bas de la rue Pingron. Dans le vacarme, je préviens Dom de la manoeuvre ; il semble OK. Je pile. Le véhicule freine droit sans blocages de roues. Dom tombe le nez dans le moteur. Il m´avoue ensuite ne pas avoir compris ce que je lui disais MDR. Plusieurs tours ont suivis avec d´autres passagers : des grands, des petits, des très jeunes... Le plus beau tour était avec Marie. On croise Seb, le tapissier. Je lui présente Cok´Hillette et lui dit de se dépécher pour ses toiles à restaurer. Je suis trempé. Fatigué. Excité. Heureux.











Merci à vous tous !
Manu


(Une vidéo du redémarrage suivra bientôt)