mercredi 30 novembre 2011

Pourquoi Cok´Hillette ?

Cok´Hillette est un Citroen Type H.







Le type H est populairement appelé TUB mais c´était en fait son prédécesseur. Inutile de contrarier l´opinion publique ; cette appellation lui va à merveille...

Une pertinente définition du Citroen Type H par Pierre Lachet pour Larousse :

"Né juste après la guerre, le plus légendaire des utilitaires a connu une vie exceptionnellement longue de trente-quatre ans. Pierre Boulanger propose un cahier des charges des plus sommaire, « faire simple et pas cher » pour un poids et un prix minimum. L’étude du projet est confiée à un spécialiste en carrosserie, Pierre Franchiset, il est l’inventeur un système de pliage des tôles pour obtenir les charnières de type Yoder. Ce système économique est utilisé partout sur le fourgon : volets de côtés, volet de roue de secours, trappe de réservoir, capot moteur, portières et sur les 2 cv… Pierre Franchiset ébauche le travail en 1941, lorsque le bureau d’études Citroën est réfugié à Niort et à Ruffec. A la libération, son équipe met un an à finaliser la conception du H, un grand nombre d’éléments sont emprunté aux autres véhicules de la marque : le berceau est copié sur celui de la traction et élargi, le moteur est de la même origine, ainsi que l’essieu jusqu’aux poignées de porte. La 2cv et plus tard la DS sont des sources largement utilisées. Pierre Franchiset propose d’utiliser des tôles nervurées pour habiller le H, cette solution permet d’employer des tôles de très faible épaisseur et les rigidifie, cette technique a été vue un 1919 sur les avions Junker F 13. Deux prototypes suffisent pour convaincre la direction. Le H est le premier utilitaire monocoque et traction avant, cette formule est aujourd’hui incontestée. Cet utilitaire a fait le bonheur des commerçants et artisans, polyvalent, léger, de faible encombrement, robuste, fiable, facile à réparer. Quelquefois rallongées ou rehaussées, les carrossiers tel Bastard, Currus, Heuliez l’ont pris en charge en partant du châssis cabine. On l’a retrouvé en véhicule de commerce ambulant, en camion publicitaire, en car de tourisme ou de police, en véhicule de secours, en ambulance, en bétaillère. Au cours de la production, Citroën le propose avec différentes motorisations essence 9 et 11 cv. et des moteurs diesel Perkins ou Indénor 7 et 9 cv. Il a été appelé à tort TUB, qui est en fait le nom de son prédécesseur et plutôt connu avec le surnom de: « Nez de cochon » du fait de son petit capot placé devant la cabine avancée. C’est un outil formidable, bien pensé, ses facilités de chargement extrêmement favorable lui ont permis de s’imposer sur son marché, doté d’un charme désuet sa longue carrière s’achève en décembre 1981."


Cok´Hillette est un HZ de 1951 pour être précis. Ce HZ a une histoire intimement liée à ses anciens propriétaires, Yvonne et Lucien. 
Nous ne connaissons pas l´origine de son surnom mais initialement, il était orthographié à la française, c´est à dire C-o-q-u-i-l-l-e-t-t-e.  

Un humour potache invite traditionnement les possesseurs de H à mettre un brin de fantaisie au nom donné à leur nouvelle acquisition. Fantaisie axée sur un humour à double sens qui a pour thème des substances illicites.

Par exemple "Le H, c´est stupéfiant!", épithaphe qui arbore l´arrière du HP de Jcf ...



... ou encore "H is good" de notre ami Jean-François dans le Michigan.


La proposition de Marie tombe comme une veste sur mesure ; on retrouve la lettre H en bonne place dans ce mot qui, a priori, n´a qu´en faire. Et la substance peu recommandable en tête. Voici donc Coquillette transformée en Cok´Hillette. La volonté de Roland de ne pas débaptiser le navire, sans vouloir nous l´imposer et le clin d´oeil fait à la communauté de mordus de H qui suit de prés cette nouvelle vie ont été tous deux respectés.

Arrivé depuis peu en Bourgogne pour une seconde vie, Marie et Manu vous propose de suivre l´histoire incroyable de Cok´Hillette qui fait le bonheur des petits comme des grands ! - A bientôt !
 

ITINÉRAIRE D'UN ENFANT GÂTÉ






Je me suis aidé des quelques documents disponibles pour retracer l'itinéraire de Cok'Hillette.
Enquête exclusive...

Exceptionnelle ; cette carte grise !



Le véhicule est initialement immatriculé 1268 AS 75. "AS" ; le nouveau système d'immatriculation est en place depuis un an et perdurera jusqu'en 2010, avant le nouveau Système d'Immatriculation des Véhicules (S.I.V.) qui fera disparaître les fameux numéros de départements.

Nous sommes en 1951 et le département 75 est celui de la Seine qui regroupe Paris et 81 communes limitrophes.



La question est ; Yvonne et Lucien ont-ils habité Paris ou l'une des 81 communes limitrophes ou est-ce l'immatriculation du véhicule neuf ? Si vous connaissez les pratiques de l'époque, n'hésitez pas à laisser un commentaire ;-)

Cette carte grise tient compte du changement de domicile des propriétaires le 24 février 1965. Nouveau numéro d'immatriculation (1485 FY 78) et nouvelle adresse (Saint Leu la Forêt) dans le... 78 !!! Mais vous me direz ; Saint Leu la Forêt n'est pas dans le 78 ?! Et oui. Nous sommes en 1965 et le numéro 78 n'est pas encore attribué aux Yvelines mais au grand département de Seine et Oise.



Reprenons ! LOL

En 1965, Saint Leu le Forêt se situe dans le département de Seine et Oise (78). Les plaques peintes sur la carrosserie sont cette conséquence. Ce n'est qu'en 1968 que le Val d'Oise (95) fut créé. Logiquement mais je ne connais pas les tolérances de l'époque suite à ces changements administratifs (appelés réorganisation administrative de la région parisienne suivant la loi de 1964 applicable en 1968), Cok'Hillette aurait du changer une troisième fois d'immatriculation. Mais pour une raison que j'ignore, elle restera estampillée 78 au lieu de 95 de 1968 à 1974. Ensuite, le véhicule sera immobilisé jusqu'à ce jour de 2011.

On admirera sur la carte grise le timbre fiscal de 1965.

Autre document déjà vu, cette étiquette de service trouvée dans le tiroir-caisse :


Un lieu, une date et un kilométrage. C'est fou la quantité de renseignements sur ce bout de carton....

Les établissements J; TAROT et Cie, concessionnaire exclusif Citroën à VIRY-CHATILLON effectue le service du véhicule 1268 AS 75 le 10 décembre 1960.

Roland me parlera à plusieurs reprises de Juvisy. Il s'agirait de Juvisy-sur-Orge dans l’Essonne. Mais avant 1968, Juvisy est dans la Seine et Oise. Département 78 ! Juvisy se trouve être à proximité immédiate de Viry-Chatillon. Logique.
On peut penser que Cok'Hillette était déjà immatriculée 1485 FY 78 avant le 24 février 1965 et que la carte grise spécifie juste un changement d'adresse (Yvonne et Lucien quittent en 1965 Juvisy pour s'installer dans leur nouvelle maison à St Leu).

Mais quand Cok'Hillette quitte son AS pour son FY ? A creuser...

Dernier élément et pas des moindres ; la carte de garantie du véhicule neuf !! Document inédit, rare et précieux. La véritable carte de garantie de Cok'Hillette ! Manque plus que la facture ! LOL





La révision des 500 km est réalisée à Boulogne (Seine) le 28 janvier 1952. Il y a de fortes chances que l'achat ait eu lieu à ce même endroit. La date de départ de garantie est le 05 octobre 1951. Je n'ai pas résisté à publier un document daté du même jour ; le numéro 320 de Regards - vendu 25 Fr.



Quant au garage d'où est peut-être issue Cok'Hillette, il est une concession exclusive Citroën comme on disait à l'époque. Situé en plein coeur de Boulogne (aujourd'hui Boulogne-Billancourt), il est tenu par la famille Augustin. Malheureusement, il ne subsiste aujourd'hui qu'une concession moderne et aucune archive n'a été conservée depuis le rachat il y a une dizaine d'années à la dynastie Augustin. Pas d'archive. Pas de photo. Pas de facture. Dommage...

Pour nous consoler, une carte postale ancienne de la rue Danjou...



A retenir


- Cok'Hillette a appartenu à un seul propriétaire et fait d'elle, malgré son grand âge, une première main. Un seul propriétaire mais deux immatriculations. 
- Une carte de garantie avec une date de départ de garantie le 05 octobre 1951 et un garage ; GARAGE DANJOU - Etablissement AUGUSTIN à Boulogne (Seine). Malheureusement, il ne reste aucune archive là-bas. 
- Un changement d'adresse en notre possession en février 1965.
- Un doux casse-tête pour les numéros de départements depuis la réorganisation de 1968. 

lundi 28 novembre 2011

DOCUMENTS DE BORD






Méticuleux.

60 ans de soins, de rangements, de précautions. Vous connaissiez les phares emballés dans un plastique de protection, voici les documents de bords protégés dès la première heure par un simple mais efficace papier kraft. Oh, pas comme les manuels scolaires qu'on recouvre à la va-vite, non ! Avec un papier calibré, aux pliures nettes qui épousent au millimètre prés les dimensions du livre d'entretien et dessus, manuscrit, le titre du document.





De fait, la couverture du livre original est neuve... Photo !


Surprise pour la notice technique ; ce n'est pas celle du Type H mais celle de la Traction Avant.

Par contre, à l'intérieur, nous trouvons ce petit manuel destiné aux différents aménagements possibles de votre camionnette avec de nombreux exemples à l'intérieur ;


Nous y reviendrons bientôt quand je vous présenterai l´aménagement actuel.



Les coupures de presse sont postérieures au décès de Lucien. Yvonne cultivait donc une passion pour les Anciennes. Les coupures sont rangées dans la couverture.




Enfin, ces quelques lignes tirées d'un lot de feuilles toutes identiques et sur lesquelles sont couchées quelques impressions de voyage... Pépite de ce trésor, un carnet de voyage !

  
Reste un document à vous faire découvrir mais qui sera révélé un peu plus tard ; la carte de garantie !

A retenir
Yvonne vouait une passion pour les Anciennes.

PIÈCE DÉTACHÉE

Les premières fois sont toujours symboliques.
Le premier sourire, le premier pas, le premier baiser, la première fois...
A propos de Cok'Hillette, il y a la première fois où je l'ai vue en photo, la première fois où je l'ai vue en vrai, la première opération d'entretien et aujourd'hui, la première pièce détachée achetée pour elle...

CIPA, l'accessoire de qualité. 


Il s'agit d'un rétroviseur. Cok'Hillette en est dépourvu à droite comme la plupart des véhicules à l'époque. Mais pour des raisons pratiques et pour satisfaire une habitude de conduite, ce rétroviseur droit s'impose ; il serait dommage d'accrocher la carrosserie par manque de visibilité, non ?

La portière est pourvue d'une fixation (photo à venir). restera à trouver la tige filetée...

Ce rétroviseur est une pièce d'origine, acheté dans son emballage. De marque CIPA, il n'équipait pas exclusivement le type H. Son miroir mesure 12 cm de diamètre et on peut lire sur le joint une référence ; TP RT TIT 66. Sur le dos, le sigle CIPA dans un losange. Made in France, of course.

Et inscription manuscrite sur l'emballage : "HT 8,33 / TT 10Fr00". 10 francs ! D’après le taux de TVA (20%), cette pièce était mise en vente entre 1972 et 1977.


vendredi 25 novembre 2011

RÉCLAME AC 4866-9-50






Trouvée soigneusement pliée dans le livret d'entretien, cette authentique publicité de septembre 1950 ;



On note le pragmatisme de la publicité d'époque ; ce véhicule utilitaire s'adresse à tous les commerçants et à tous les artisans de la France de 1950. Des phrases courtes, précises. Des qualités évidentes. Quelques chiffres mais surtout, surtout, des photos nombreuses de l'utilitaire dans des situations susceptibles de faire appel à tous les besoins de l'époque. De la bonne vieille réclame qui contribuera au succès du Type H !

Les dates de transformation du type H tout au long de ses 33 années de production font généralement débat. Ce document prouve qu'en septembre 1950, les montants latéraux à l'arrière sont constitués de tôle plane.


Par ailleurs, Cok'Hillette, immatriculée en octobre 1951 arbore des montants en tôle emboutie. Cette transformation a donc eu lieu au plus tard en octobre 1951, contrairement à ce que précisent certains livres (1952 n'est pas exact).

Pour terminer la comparaison des deux modèles (septembre 50 et octobre 51), la plaque de police migre à gauche et anachronisme, des feux de positions placés à mi-hauteur (probablement montés dans les années 55) - A relier à l'anachronisme des phares ?

A retenir
Phares anachroniques (post 55 ?)
Feux arrières de position anachroniques (même date?).
Tôles embouties à l'arrière avant 1952

Bientôt...

Privé de Cok'Hillette cette semaine, je parlerai bientôt d'une série de documents d'époque en ma possession.

Pour vous mettre en appétit, commençons par ceci :



Un timbre fiscal de 13F20, cachet du 24 février 1965.

A bientôt,

DÉSHABILLEZ-MOI...






La première fois que j'ai vu Cok'Hillette, c'était en photos ; les photos de l'annonce publiée par Roland et capturée par Jean-François. 20 minutes à baver devant les deux seules photos disponibles, on finit par remarquer les détails.

Quelque chose d'anormal retenait mon attention mais je n'arrivais pas à définir quoi. En fait, les deux phares étaient encapuchonnés de sacs plastiques transparents fixés par une cordelette qui les ont protégés dans un état quasi neuf depuis 1974. Je ne sais pas à quand remontait cette attention particulière et était-ce peut-être là la volonté d'Yvonne de protéger Coquillette.

Ce jour du 19 novembre 2011, Cok'Hillette a pris le grand air. Elle s'est aérée comme jamais depuis près de 40 ans. Alors je n'ai pas osé lui retirer ce cache-nez, enfin, ces cache-phares qu'elle portait depuis si longtemps. Pour qu'elle ne prenne pas froid. Pour qu'elle ne s’enrhume pas.

Mais maintenant qu'elle est arrivée à bon port, il est tant d'ôter ces bas. Oui mais pas trop viiiii-te... Pas tout de suiiiii-te. Allez, maintenant !









Pour les puristes cette fois...
Il ne s'agit pas des phares d'origine mais d'un matériel postérieur à l'année de fabrication (1954?), certainement destiné à optimiser l'éclairage (d'où ma tête LOL).

Le HZ de 1951 est initialement équipé de cuves de phares identiques aux 2cv Type A...



... ainsi que d'optiques Cibié TP415  (notez la pâte en métal sous l'optique) 

Il est certain qu'à terme, ce type de phares rééquipera ce HZ de 1951. Pour le moment, laissons les prix s'envoler ; deux cuves oxydées se monnayent à plus de 250€.

PREMIÈRE ACTION...






La première action est on ne peut plus classique mais elle est symbolique. Parce que c'est la toute première d'une longue série. Il s'agit du regonflage des pneus. Roland avait regonflé ceux de devant pour faciliter la sortie de garage. Première opération donc depuis son nouveau lieu de villégiature...






Découverts dans le tiroir-caisse...

Faute de temps, la prospection n'a pas vraiment débuté et le mystère Cok'Hillette reste entier. Le tiroir-caisse en premier lieu mais aussi les différents meubles réalisés pour l"aménagement en camping-car n'ont pas été inspectés ; il me faudra trouver une belle matinée tranquille pour le faire doucement, sans trop déranger. C'est très intime de pénétrer ainsi chez les autres; j'ai beau être le nouveau propriétaire, il faut y aller piano. Cok'Hillette doit apprendre à me connaître et je ne voudrai pas partir du mauvais pied... Il est vrai que ce véhicule est encore habité par l'esprit de ses anciens propriétaires : c'est aussi ce qui en fait le charme exquis...

Découverts dans le tiroir-caisse qui recèle d'autres trésors, ces deux étiquettes d'entretien/service qui, historiquement, retracent deux étapes du véhicule.



Voici la Une du Figaro de ce jour-là :




24 janvier 1959. Succès des voitures françaises au rallye de Monte Carlo et explosion dans un atelier de Gaz de France à St Denis. Cok'Hillette effectue son entretien (32 700 km).



10 décembre 1960. Le Général de Gaulle en déplacement en Algérie déclenche de vives manifestations anti-françaises. Cok'Hillette est au Garage Tarot à Viry-Chatillon (entretien des 38 308 km).

A retenir
Yvonne et Lucien font environ 2 750 km annuels.
Autre information importante ; en 1959 et 1960, l'utilitaire portait l'immatriculation 1268 AS 75.

L'ANNONCE


09 OCTOBRE 2011 - DEBUT DE L'AVENTURE





Tout commence ce dimanche soir...
Je rentre en famille d'un beau weekend en Bourgogne partagé avec deux amoureux du H ; Eric et Domdom. Balades multiples avec Arthur H dans le Chaourçois ; visite chez Eric et ses 70 SFV (Société Française de Vierzon), salut à Jean-Louis et son HY, baguettes aux lardons de chez Noé et vide-grenier pluvieux à Lagesse. Le tout dans la joie et la bonne humeur...


(attention - interdit aux moins de 12 ans car un peu brut de décoffrage...)


Sinon, plus soft, ce beau souvenir du passage à gué du Landion avec Arthur H.



De retour à Paris, je consulte les petites annonces de mon ami Jean-François en direct du Michigan et je vois ça :



Il est 22:30. L'annonce a été postée 5 heures plus tôt. Jeff est LE chasseur d'annonces. Quand le vieux continent couche ses conquérants retraités, lui part à l'assaut des nouvelles ventes intéressantes sur le net. Et quand il finit de poster, l'Europe prend connaissance des nouveaux trésors disponibles. Je reste bouche bée devant les deux photos disponibles. Il se dégage une atmosphère particulière de cette lumière douce mais si agressive pour le retour à la surface de ce mineur de fond caché dans les entrailles terrestres depuis 37 ans. Quand ce type H a été privé de son conducteur, décédé, les quais de Javel construisaient Arthur H et moi, j'avais 4 ans, une salopette à carreaux et des cheveux blonds mi-longs.



Je suis resté devant l'écran de l'ordi une vingtaine de minutes. Sans cligner des paupières. Marie finit par s'interroger sur ce long silence et remarqua l'annonce. On ne s'est rien dit. On était sous le charme. On se regardait de temps en temps comme quand on remonte à la surface de l'eau pour respirer. Enfin mes mâchoires se desserrèrent ; "je vais envoyer un message et j’appellerai demain. Il est trop tard pour ce soir". Marie acquiesça.

Ce message me sauvera. Roland, le vendeur, fut tiraillé d'appels de 8 heures à midi. Ce n'est qu'ensuite que je pus enfin le joindre par téléphone. Il attendait mon coup de fil, suite au message laissé la veille. Aux premiers instants, je compris qu'il était homme d'honneur et que tout n'était pas perdu. Parmi ces quatre heures de contacts, passionnés, amateurs, professionnels se bousculaient pour ce véhicule de collection.

1951 ; mon père a 22 ans. Il effectue son service militaire en Allemagne, fait la connaissance d'André, un autre Ch'ti qui lui présentera bientôt sa cousine Yvette. Yvette, ma maman...



Citroën produit depuis 3 ans cet utilitaire imaginé dans le plus grand secret durant la seconde guerre. L'occupant interdisait à la marque toute étude. Pourtant, ce projet classé 8 verra rapidement le jour et permettra à la France de se relever en équipant la quasi-totalité des commerçants et des artisans. Devant un tel succès, Citroën est un peu pris de court et au moment de nommer son utilitaire, le 8 deviendra la huitième lettre de l'alphabet et la dénomination commerciale sera TYPE H. La production est dopée par les besoins économiques nombreux et importants d'un pays meurtri qui se reconstruit.
Lucien est ingénieur chez Thomson à Paris, "du temps où les ingénieurs étaient des ingénieurs" s'amuse à me préciser Roland. Avec son épouse Yvonne, il achète cette camionnette et la détourne de son utilisation première pour en faire un camping-car. Nous sommes en Octobre 1951.
L'histoire de ce véhicule me touche. Je le précise au vendeur et nous convenons d'un rendez-vous. Ma  proposition demeure en lice. Tout n'est pas perdu et j'estime mes chances à une sur trois.

jeudi 24 novembre 2011

TRANSFERT (la vidéo)


TRANSFERT DE COK'HILLETTE








9:30. Mon agenda sonne ; enlèvement de Cok´Hillette dans 24h. Le compte à rebours a débuté. Fatigué par une semaine de fébrilité, je retrouve l´énergie de penser à ce que sera demain. Je vais retrouver cet objet de conte, choyé, dorloté mais endormi depuis 37 ans. 

L´épopée sera familiale tant tous les membres se sentent impliqués. C´est donc en force au petit matin du samedi 19 novembre 2011 que la troupe débarque dans la petite rue languissante de St Leu la Forêt, mondialement connu pour sa carrière de pierre à sculpture. Priorité au plateau Poids Lourd qui se faufile avec grâce au milieu des voitures des résidents, encore recouvertes de buée. Derrière, la voiture familiale et les enfants excités. La décompression d´air violente annonce l´arrêt du camion, signalé par ses gyrophares oranges. La rue va sortir de son sommeil… 

Roland apparait : nous sommes en avance de 20 minutes. Eric endosse son rôle à merveille, la casquette de velours vissée sur la tête et la paire de gants de manutention à la main. Rapide présentation et la clé entre dans le barillet de la porte de garage du pavillon des années 50. Banlieue tranquille, verdure tranquille, sourire tranquille… Personne ne peut imaginer ce qui se trouve derrière cette porte au vernis fatigué. Roland semble perturbé. La porte s´ouvre mal. Je prends le relais et la pousse méthodiquement dans ses rails. J´observe du coin de l´œil la réaction d´Eric. Il ne bronche pas. Il assoit sa carrure stupéfaite devant l´engin. Ils sont nez à nez mais il ne bronche pas. Il feint. Les enfants autour parlent, commentent. Cloé prend des photos. Marie est amusée de me voir redécouvrir Cok´Hillette. Roland fait quelques commentaires au moment où Marie doit passer derrière le volant car la voisine est venue s´y asseoir hier et a du essuyer les poussières. De fait. 




Le HZ de 1951 s´apprête à quitter son garage de Saint Leu la Forêt après s´y être réfugié 46 ans. Roland avait 20 ans. Les autres n´étaient pas nés. On entend des marche arrière de voitures dans la rue. On se concerte sur les dernières recommandations de sortie de garage. Coquillette n´a pas entendu son moteur tourner depuis 1974, année du décès de son propriétaire. Son épouse donnait un coup de manivelle régulièrement pour aider la mécanique à s´entretenir. Mais son grand âge a fini par avoir raison de ses bonnes résolutions jusqu´à sa récente disparition en mars. Il fait froid. Maintenant ! Coquillette s´avance silencieusement dans l´allée. Les pneus sont restés incroyablement bien gonflés à part l´arrière droit. J´entends dans le souffle de l´effort le bruit caoutchouteux des pneus sur les dalles gravillonnées. Eric recommande à Marie d´attendre son feu vert pour braquer à la sortie du portail et Cok´Hillette se retrouve dans la rue. Une manœuvre maintes fois exécutées. Délicate mais compte-tenu de l´état général de la carrosserie, à chaque fois réussie. 



Le HZ se présente doucement au plateau et dans la rue, c´est l´effervescence. Roland est assailli de voisins. Il rassure en disant que Coquillette part chez des passionnés, un responsable de forum sur le Type H. J´essaie de ménager la chèvre et le chou. Rassurer les voisins particulièrement concernés par ce départ et être présent aux côtés d´Eric qui a besoin de moi. Eric est dans son élément ; il n´a pas franchement besoin de moi. Et son assurance m´apaise. Mais je ne suis pas moi-même. En convalescence, pas complètement ici, j´entends des bruits, des conversations. Je voudrai pouvoir profiter de tout et passe peut-être à côté de tout. Mais le moment est solennel et ça, je le sais. De nouveaux voisins sortent, des passants s´arrêtent. Tous connaissent Coquillette. Son histoire ne peut s´arrêter là. Je suis persuadé avoir fait le bon choix. Celui du cœur. Le treuil se déroule dans un suintement métallique. Le crochet piège l´essieu avant. La manœuvre débute.




Eric dirige d´une main de velours les manettes, Marie me fixe derrière le double pare-brise poussiéreux orangé par le soleil levant et je dirige Cok´Hillette au centimètre prés dans sa montée de plateau. Eric délivre méthodiquement ses conseils avisés. Dans le calme. La foule s´est tue. Le moment est magique. Le sifflement des vérins hydrauliques résonne dans la rue verdoyante et calme. Coquillette quitte la première partie de sa vie. 60 ans. Un couple amoureux. Une belle histoire. Je ne l´ai sentie ni gai, ni triste. Juste inerte. Mais je veux qu´elle vive. Qu´elle chante. Qu´elle rit. Le plateau s´immobilise. Un rayon de soleil nous éblouit et Cok´Hillette disparait partiellement, absorbée par l´intensité lumineuse. Le dernier adieu de ses propriétaires depuis les cieux.





Une vieille dame passe au milieu de la scène et lance « Tiens, Coquillette s´en va ... ». Surréaliste. Personne ne l´entend. Marie interroge Roland qui étonné, avoue ne pas la connaître. Elle est sortie de la scène comme elle y était entrée. Je dois la retrouver. Je veux la rencontrer. Elle doit me parler.

Roland me montre un caisson du camion fermé à clé et me dit ne pas avoir cette clé. Normal puisqu´il s´agit du poids-lourd et non du HZ grimpé dessus. Son attitude m´inquiète mais Marie me rassure en disant que ce jour n´est pas facile pour lui. Coquillette, c´est l´histoire de sa marraine, une seconde maman.
L´agitation du quartier retombe comme un soufflé. Je promets à Roland de nous revoir. Eric vérifie l´ensemble des fixations. Double-sabot aux roues opposées, sangle aux poulains et treuil tendu. Paré. 




L´ambiance dans la cabine est concentrée ; il faut sortir des petites rues avec le poids lourd. Aucune manœuvre ; Eric se faufile doucement mais sûrement. Cok´Hillette offre sa bouille rétro à 3m50 environ. Arrive l´autoroute et le « C´est parti mon pépère ! » d´Eric, signifiant l´achèvement de l´enlèvement. La voiture familiale nous suit. Cok´Hillette ne bouge pas dans les virages. Direction la Bourgogne.
Trois heures plus tard, arrivée à Chaource. Le chauffeur avait lorgné sa montre, espérant la boulangerie encore ouverte. Traditionnelles baguettes aux lardons pour cet habitué des lieux qui lance en entrant dans le commerce « Bonjour, vous allez bien ? » et la boulangère, de jouer le jeu. Plus que 12 kilomètres… Eric connait le coin par cœur. Le camion passe l´abreuvoir et monte la rue de l´Orme Grappin. Dernière ligne droite. Il s´élance pour le dernier sprint, à la vitesse d´un éléphant qui charge. Le comité d´accueil est là. On retrouve les enfants et Marie qui avaient fini par prendre un peu d´avance. Grandes croisées de bras et appels de phares. 






Eric, imperturbable, sérieux mais toujours le mot pour rire tente d´emblée d´entrer le plateau dans la cour. Deux manœuvres plus tard, les rétros frôlent les piliers du portail et le monstre coiffé d´une beauté pénètre sur les graviers. Coquillette rentre directement dans la grange. Arthur H lui tourne le dos. Les deux protagonistes feignent s´ignorer. Il leur faudra du temps je pense. Marie prépare un repas pique-nique car le temps nous est compté pour rendre le camion à son agence le soir même. Nous profitons de nous retrouver, Eric et moi, seuls, pour inspecter Cok´Hillette et ses secrets gardés. On inspecte d´abord le contenu de son tiroir-caisse. Un rangement fait de trois plateaux de bois superposés regorgent d´objets en tous genres. Eric repère ce qui pourrait être la pince d´origine livrée avec le véhicule neuf. Je regarde amusé des étiquettes d´entretien. Antar du 10 décembre 1960 des Etablissements Tarot à Viry-Chatillon (entretien des 38900km) et encore un autre Shell du 24 janvier 1959. Des trésors. On branche un projecteur à l´intérieur pour continuer cette fibroscopie préventive. Quelques emballages d´origine vides… Un joli beau bazar. Pas davantage de temps pour nous y attarder. Il faut rentrer déjà…

Formidable moment de partage et d´amitié. Merci Poupoune et désolé de ne pas avoir eu davantage la patate…